L’oeuvre photographique de Bernard Russo est un témoignage d’errance dans la richesse des civilisations du monde dont il capte l’énergie mystérieuse, la beauté sulfureuse et évanescente. On le sent amoureux des rencontres car il dépasse l’aspect documentaire, l’enregistrement brut de données pour transmettre des ambiances, des sensations, voire des sons et des odeurs. Ainsi, on entend au loin le pas feutré de « La femme en vert au chapeau » qui glisse sur le sol de la maison. Aspiré par le temps de l’instant, le geste quotidien s’enlace dans l’acte photographique. Son œuvre réside dans la captation juste et précise de moments de vie qui subjuguent le spectateur. La qualité de ses prises de vue tient de la magie de l’équilibre dans des compositions sobres sublimées par des couleurs parfois saturées et baignées de lumière. La puissance du cadrage rivalise avec un traitement des lumières et des couleurs qui émerveille le regard. Dans « Moine balayeur » la poussière s’élève des détritus et se mêle à la lumière, créant une forme de pictorialisme qui ne délaisse pas le détail. Cette partition lumineuse qui joue sur la nuance de la matière se nourrit d’une réalité qui n’est pas tant littérale qu’habitée. Privilégiant l’ambiance et la sensation du vécu, cette photographie révèle une esthétique et une sensibilité à la puissance séductrice.
Véronique Perriol, Galerie Arcima, Paris.
De ses voyages multiples à travers le monde, Bernard Russo s’éprouve dans l’expérience d’un vécu indicible avec le regard aiguisé du photographe. Il balaye de son objectif l’aurore de la vie, le chemin des âmes dans leur vie quotidienne de labeur et de repos, de joie et de peine. De leurs couleurs solaires et volcaniques, écorchées et saignantes, des quartiers de viandes tombent dans la beauté abstraite d’une chair mise à nue. Un homme porte cette viande tout comme Atlas supporte les cieux pour maintenir l’ordre du monde. A travers la chair aux rouges éclatants, nulle dimension morbide car c’est une pulsion de vie qui s’exprime nécessaire à toute existence. La couleur dense et subtile transfigure le sujet lui donnant une plasticité chromatique singulière. L’art de Bernard Russo réside dans la captation juste de moments qui s’échappent aussi rapidement qu’un souffle. C’est pourquoi ses œuvres recèlent une part de mystère grâce à un cadrage juste dans un équilibre formel surprenant. Dans une vision utopique, un homme dévale un amas de caisses «Goodwill PVC Pipes», tel un ange descendant les cieux d’un univers économique où la mondialisation semble chasser l’humain. La composition structurée par les lignes et la couleur engendre un caractère pictural irréel dans lequel l’homme demeure droit, presque songeur, intouchable. La photographie de Bernard Russo replace l’humain au centre de toute création car il en est la justification et la nécessité ultime.
Véronique Perriol, Galerie Arcima, Paris.